par Christine Excoffier et Chantal Allier
La Révolution de 1848, que certains historiens n'hésitent pas à qualifier de "révolution oubliée"1, n'a pas une place de choix dans notre historiographie. Elle est dépourvue de l'auréole glorieuse de la Révolution de 1830 ("les Trois Glorieuses") dont la liberté guidant le peuple de Delacroix est devenu l'emblème. Révolution oubliée? peut-être parce que recouverte par l'avènement de la République, sans doute parce qu'écrite par les vainqueurs.
Interroger la Révolution de 1848, c'est essayer de redonner la parole aux vaincus2, en questionnant le processus révolutionnaire par lequel la "classe la plus nombreuse et la plus pauvre" (selon l'expression de Saint-Simon, en 1822) est entrée dans l'histoire comme sujet politique.
C'est essayer de faire surgir les espoirs qu'une révolution rend possibles, c'est aussi inscrire ce moment historique de confrontation dans plus de trente ans d'expériences ouvrières, d'effervescence intellectuelle et politique.
La Révolution de 1848 est à situer dans la dynamique de 1830 qu'elle veut reprendre et achever, une "révolution escamotée" - les insurgés de 1848 auront cet escamotage bien présent à l'esprit - qui ouvre cependant une période de politisation et permet la prise de parole à des groupes jusqu'alors invisibles ou inaudibles, la parole ouvrière3, la parole des femmes4.
Le peu de gloire qui frappe la Révolution de février 1848 tient sans doute au fait qu'elle ait tourné court. La République, une fois proclamée République légale par les premières élections au suffrage "universel" (masculin), a évolué très vite vers le conservatisme et la remise en cause des acquis des deux mois de la République démocratique et sociale (du 24 février 1848, République proclamée, au 4 mai 1848, république instituée). Cette deuxième République, née pourtant d'une Révolution pleine de ferveur humanitaire, de volonté de changer les conditions de vie des plus pauvres, d'une effusion de fraternité sans précédent, ("l'illusion lyrique") s'est livrée à la répression féroce de l'insurrection ouvrière : en juin 1848, elle mitraille le peuple qui l'a portée au pouvoir.
Nous tenterons d'éclairer cet apparent paradoxe qui se présente comme un retournement complet, de montrer comment ce durcissement réactionnaire a ouvert un boulevard au coup d'Etat de Napoléon III.
Interroger la Révolution de 1848, c'est aussi l'inscrire dans un mouvement révolutionnaire européen "le printemps des peuples", répétition de la première révolution européenne de 1830.
Que retenir alors de 1848 : l'universalité du suffrage, l'abolition de la peine de mort en matière politique, la suppression de l'esclavage, la reconnaissance du droit au travail, l'apprentissage de la République5?
Au delà de cet héritage, les enjeux politiques de 1848 se posent en des termes qui ressurgissent dans l'histoire conflictuelle de notre temps : telle est l'actualité de 1848.
Dates : les mercredis 24 septembre, 1er, 15, 22 et 29 octobre, 5 novembre 2014; de 19 à 21 heures.
Séance | Chapitres | Doc | Audio | Vidéo |
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1 | 1848, le printemps des peuples
(Chr. Excoffier) |
[Cartes/textes]
[Documents] [Notes] |
[mp3] (129Mo) | [vidéo] |
2 | La France de 1814 à 1848 : les monarchies
"postrévolutionnaires" sous l’ombre portée de la révolution
(1789-1799)
(Ch. Allier) |
[Intro]
[Notes] [Documents] |
[mp3] (102Mo) | |
3 | De la révolte des Canuts (1831-1834) à la Révolution de
1848 en France: "L'avénement des possibles".
(Chr. Excoffier) |
[Documents]
[Notes] |
[mp3] (111Mo) | [vidéo] |
4 |
La révolution de février 1848 – La II ème République
(Ch. Allier) |
[Notes] | [mp3] (126Mo) | |
5 | La tentative et l'échec d'une république démocratique et sociale
(Ch. Allier) |
[Notes]
[Décret] |
[mp3] (120Mo) | |
6 |
1848, l'avènement des
possibles : de l'espoir déçu d'une République
démocratique et sociale à l'autonomie ouvrière
(Chr. Excoffier) |
[Documents]
[Notes] |
[mp3] (114Mo) | [vidéo] |